L’Hermione est en grand carénage pour restaurer sa coque attaquée par des champignons. Les objectifs de ces travaux hors norme sont de refaire naviguer L’Hermione, de comprendre les causes de cette avarie et d’éviter que cela ne se reproduise à l’avenir. Découvrez ici les coulisses de la construction des nouvelles pièces en bois de la coque de L’Hermione !
Quelles pièces vont devoir être reconstruites ?
Suite au diagnostique il a été révélé que les zones atteintes par les champignons sont situées à l’avant et à l’arrière de la frégate. Il a été nécessaire ces derniers mois de procéder au démontage de ces zones atteintes. Retrouvez toutes les informations à ce sujet dans notre précédent article. Aujourd’hui, les nouvelles pièces en bois de la coque sont fabriquées en lamellé collé.
Qu’est-ce que le lamellé collé ?
C’est une technique de fabrication des pièces qui s’obtient par collage de plusieurs lamelles de bois. Cela permet la fabrication de pièces de grandes dimensions et de formes particulières. Cela permet également d’avoir des pièces de bois sec à cœur puisque chaque planche a pu sécher indépendamment des autres.
Cette alternance de couches de bois permet une résistance mécanique plus importante qu’une pièce de bois massif. Chaque planche est sélectionnée afin de supprimer les défauts, notamment le cœur et l’aubier (partie périphérique d’un tronc) ainsi que les irrégularités du bois. C’est pour cela qu’on retrouve cette technologie dans la fabrication de certaines hélices d’avion, de skis ou de charpentes.
Pourquoi choisir de fabriquer les pièces en lamellé-collé ?
Plusieurs raisons ont amené les experts maritimes et l’Association Hermione – La Fayette à faire ce choix.
La disponibilité des bois
Les pièces de L’Hermione atteintes par le champignon sont dans des zones de la coque avec des assemblages complexes. Elles ont aussi des formes courbes assez particulières et très volumineuses. Il aurait fallu trouver des arbres répondant à ces critères, chose difficile à trouver de nos jours (cela explique aussi le temps qu’il a fallu pour reconstruire L’Hermione).
Le séchage
Le taux d’humidité des bois doit être inférieur à 10 % lorsqu’on fabrique une pièce avec. Une pièce de bois massive – comme celles qui ont été utilisées lors de la reconstruction – sèche en moyenne 1 cm d’épaisseur par an, il faudrait alors plusieurs années de séchage avant de pouvoir exploiter un bois pour qu’elle devienne une pièce de la coque de la frégate. C’est un temps que nous n’avons pas puisque L’Hermione ne peut rester indéfiniment dans cette forme de radoub et que nous avons pour objectif de la revoir naviguer au plus vite.
Autres raisons du choix du lamellé-collé
Le bois est plus stable dans le temps, il a moins de risques de déformations et de gerces. Les pièces peuvent être reproduites en un seul morceau et l’alternance de couches et de colle limite la propagation de champignons.
Cette méthode permet donc de construire rapidement des pièces de grandes dimensions, sèches à cœur et très résistantes dans un laps de temps réduit. Cette solution technique a donc été retenue par les experts et est actuellement utilisée par les charpentiers pour restaurer L’Hermione.
Comment sont réalisées ces nouvelles pièces ?
Tout d’abord, un important travail préparatoire est nécessaire avant même de lancer la construction d’une pièce. Des prises de mesures et des relevés sur L’Hermione sont réalisés par les charpentiers du Guip et d’Asselin à Anglet. Cela permet de connaître en amont le volume de bois nécessaire et de le réserver auprès de la scierie (pour les pièces fabriquées par Asselin à l’arrière, il s’agit de la scierie Ducerf).
Toujours avant de lancer la fabrication des pièces, un tracé sur logiciel informatique est créé par les équipes d’Asselin. Lors de cette phase, on tient notamment compte du sens du bois dans l’imbrication des pièces les unes dans les autres. Vient ensuite la fabrication des gabarits avec du contreplaqué. Cela permet de visualiser concrètement la dimension de la future pièce et d’adapter sa taille si besoin avant de la fabriquer.
Actuellement, la construction des nouvelles pièces en chêne de l’arrière de la coque de L’Hermione en lamellé-collé se réalise à Thouars dans les locaux de la société Asselin. Deux à trois personnes sont mobilisées pour assembler ces lames en bois de 24 mm. C’est cette épaisseur qui permet le meilleur équilibre entre solidité des planches et emprise de la colle. Elles sont enduites de chaque côté avec de la colle spécifique et ensuite compressées 4 par 4 avec de nombreux serre-joints. Le temps de séchage du collage est de 24h à au moins 15°C.
L’assemblage des pièces en lamellé-collé ainsi effectué est envoyé à Anglet sur le chantier du grand carénage de L’Hermione pour y être taillé à la bonne dimension par un charpentier, sous les yeux des visiteurs. Ces pièces de plusieurs centaines de kilos sont ensuite acheminées au fond de la forme de radoub pour y être positionnées et définitivement fixées sur la coque.
Seul l’assemblage en lamellé-collé de la carlingue sera réalisé directement sur site à Anglet, car son emplacement et son volume sont tels que cette pièce ne pourrait pas être positionnée si on l’assemblait à l’extérieur.
Est-ce une technique d’époque ?
Les pièces reconstruites en lamellé-collé n’ont pas été utilisées lors de la construction et reconstruction de la coque de L’Hermione. Pourtant certaines pièces de bois sont déjà en lamellé-collé sur L’Hermione. Il s’agit des ornements des bouteilles (voir article dédié) mais aussi des mâts. Au XVIIIe siècle c’est cette technique qui était utilisée pour la fabrication des mâts de cette dimension. Plusieurs arbres étaient taillés, assemblés puis cerclés à chaud par des ferrures.
Découvrez le dernier le dernier reportage sur L’Hermione avec Antoine Dosmann, médiateur et Guillaume Normandin, directeur technique.
Quelles sont les prochaines étapes en 2023 ?
La pose des première pièces a commencé à l’automne 2022 à l’arrière de la frégate. C’est un travail qui occupe quotidiennement les charpentiers et qui reste visible par l’ensemble des visiteurs. La construction des futures pièces pour la restauration de l’avant de la coque nécessite un travail préparatoire important et un investissement conséquent. Les travaux pourront se poursuivre et L’Hermione pourra être sauvée grâce à la générosité de tous et toutes.