Charpentier lors de la reconstruction de L’Hermione à Rochefort, Christophe Soyer, 50 ans, est de retour à Anglet, sur le port de Bayonne, pour restaurer la frégate. Partons à sa rencontre !
Depuis quand faites-vous le métier de charpentier ?
Je suis charpentier depuis l’âge de 16 ans et ça fait 30 ans que je travaille pour l’entreprise Asselin. J’ai fait une formation en apprentissage pendant 2 ans et ai passé un brevet professionnel. Et puis on apprend sur le tas avec la transmission des anciens. Ils nous ont transmis leur savoir et aujourd’hui, on essaie de faire la même chose.
Quand et comment êtes-vous arrive sur ce chantier ?
On a commencé à Rochefort en mai 1997. A l’époque, j’avais 24 ans, j’étais là pour apprendre. Mon chef de chantier, Monsieur Haye, m’a transmis son savoir, on lui doit beaucoup de respect. C’était un chantier impressionnant, mais il suffit de vouloir, d’écouter, d’apprendre et prendre tous les conseils… Et on continue d’apprendre encore aujourd’hui ! Le chantier de L’Hermione, c’est un peu à part.
En quoi le chantier de L’Hermione est à part pour vous ?
Nous sommes spécialisés dans la construction de monuments historiques : des châteaux, des églises, des belles maisons particulières, des moulins, … C’est un métier varié. Dans la marine, les techniques sont un peu différentes, les pièces sont courbes, cintrées. Le trait, les épures sont très complexes. Une fois qu’on a compris la technique, c’est beaucoup de travail. En parallèle, le cabinet d’architecte est aussi là pour nous guider. Si on voit une anomalie, on le signale, on regarde ensemble, puis des décisions sont prises par le cabinet.
Que faites-vous en ce moment à bord du bateau ?
Nous sommes deux charpentiers à travailler sur la carlingue, une section de 45 cm de haut, 45 cm de large pour 12 mètres de long. Nous faisons du lamellé-collé*. Avec le temps de préparer, de coller et de séchage, ce serait compliqué d’être plusieurs personnes à travailler au même temps dans un espace si restreint.
C’est assez routinier : on met de la colle sur la planche en bois, on la fixe, après on attend le temps de séchage. Le lendemain, on démoule, on retire nos tasseaux et les fixations, et on refait un ponçage avant de préparer la couche de bois suivante. Pas plus d’une couche par jour ! Parfois, on ne fait que la moitié de la longueur, car certaines pièces font 12, voir 15 mètres de long !
Pour vous, quelles sont les principales différences entre le chantier de la construction de la frégate et le Grand Carénage ? Pourquoi c’est un chantier hors-norme ?
A l’époque, on construisait tandis qu’aujourd’hui on fait de la restauration sur place et c’est encore plus long, plus complexe. Là, ce n’est pas comme un puzzle qu’il faut monter étape par étape. On est en train de recréer des pièces sur place avec d’autres qui sont déjà en position. En plus, tout ça a bougé, le bateau a travaillé un petit peu avec le temps. On fait du sous-œuvre comme on dit, le bateau est en place et on construit des pièces à l’intérieur. À l’époque, on construisait les pièces à l’extérieur du bateau et on les posait neuves avec les ponts roulants. Aujourd’hui, on est incapable de descendre une grande pièce dans le bateau, les ponts sont fermés, tout est bouché, on ne peut plus descendre des grandes dimensions.
Quelle sera votre travail sur les prochains mois ?
On a commencé le travail sur la carlingue au mois de mai et devrait terminer en janvier-février 2024… Il faut être patient et ne pas se dire qu’on finira le travail demain, car ce n’est pas comme cela que ça marche ! Il faut avoir de la patience et toujours la même rigueur. Nous sommes habitués à avoir des chantiers avec des phases de travail longues comme sur l’Hermione. C’était un bateau pas si grand pour l’époque, mais c’est quand même un gros bateau pour aujourd’hui et vu les sections de bois, chaque tâche de travail est quand même assez longue !
*Le lamellé-collé ou bois lamellé, est un matériau qui s’obtient par collage de plusieurs lamelles en bois. Avec cette technique, il est possible de fabriquer une pièce de grande dimension ou de formes particulières tout en étant plus résistant qu’une pièce en bois massif.