Chef de tiers puis maître d’équipage de L’Hermione, Dominic Groisard, 40 ans, est au chevet de la frégate à Anglet. Partons à sa rencontre !
Comment et depuis quand fais-tu le métier de marin et qu’aimes-tu dans ce métier ?
Etant originaire de l’île d’Yeu avec une famille de marins-pêcheurs, je suis baigné dans le milieu maritime depuis mon plus jeune âge. Mon grand-père ayant connu la pêche à la voile, il nous transmet très vite, comme à tous ses enfants et petits-enfants, un savoir-faire incontestable. Mélangeant savoir-faire, goût du voyage et métier, c’était une opportunité logique pour moi et mon avenir professionnel.
Comment a débuté ton aventure sur L’Hermione ? A quelles navigations as-tu participé ?
Sachant que la frégate était en fin de construction, l’association a commencé à publier des annonces pour recruter un équipage professionnel, et, suite logique, j’ai envoyé mon cv et ma lettre de motivation à l’association, il s’en est suivi plusieurs entretiens à Rochefort. Alors que j’étais embarqué à la pêche en février 2014, c’est l’appel d’un certain Yann Cariou chez mes grands-parents, car j’étais injoignable car pas de réseau en mer, pour m’annoncer que j’étais embauché pour former le premier équipage au mois de mars 2014. J’ai accepté sans aucune hésitation et j’ai annoncé très vite la nouvelle de mon départ à mon patron de pêche. Il a été un brin déçu mais aussi content sachant l’intérêt que je porte à ces grands voiliers.
Après ces épisodes de formations, j’ai effectué toutes les navigations de L’Hermione.
L’Hermione est actuellement en chantier à Anglet, en cale sèche, vous êtes plusieurs marins à travailler là-bas, peux-tu nous expliquer comment ça fonctionne ?
A Anglet, nous sommes normalement trois marins en contrat avec l’association. Moi, je suis en CDI et supervise avec mon directeur technique les différents travaux de la partie « pont/coque/mâture ». Pour faire court, les charpentiers réparent la coque de la frégate et nous, marins et bénévoles, effectuons un check général de toute la frégate. Tout sera inspecté, bichonné et paré à reprendre la mer. D’ailleurs le boulot est bien entamé, au moins des deux tiers, et la frégate ne va pas tarder à reprendre fière allure.
Il y a toujours au moins un marin sur la frégate pour assurer une surveillance sécurité « astreinte H24 et à l’année ». Mes deux bras droits, marins en CDD, « chef de tiers en mer », m’accompagnent pour le management général du chantier, ils encadrent les bénévoles, volontaires, services civiques, et tout autres organismes voulant nous prêter main forte à cette tâche qui s’avère périlleuse par moment, mais le courage et la bonne humeur font l’unanimité ! Généralement, ils font des contrats de trois mois et sont des marins promis aux futures navigations de L’Hermione.
Vous dites que vous encadrez des bénévoles, des jeunes en service civique sur le chantier, L’Hermione c’est aussi une histoire de transmission, de formation ?
Les journées commencent à 8h30 pour un briefing « déroulement de journée », les différents jobs sont distribués aux différentes équipes. Pour les débutants, nous expliquons plus en détails les règles de sécurité, les règles du maniement de l’outillage, et, pour ceux qui dorment à bord, les règles de sécurité liées au navire. L’idée est de les former pour pouvoir travailler correctement en sécurité. Nous leur donnons aussi des cours sur le gréement et les voiles, le vocabulaire maritime… En gros, nous les faisons entrer doucement dans le monde maritime, si particulier et complexe à la fois.
Pour les plus motivés, c’est une bonne porte d’entrée pour espérer un jour naviguer sur L’Hermione, cela facilitera leur recrutement au moment des formations pour les futures navigations.
Vous travaillez en parallèle des travaux de charpente réalisés par le GUIP et Asselin, comment est l’ambiance sur le chantier ?
Une passion commune nous lie incontestablement, nous travaillons pour la même chose, faire du bon travail pour enfin refaire naviguer cette frégate. Les charpentiers, enfin certains, nous ont déjà murmuré qu’ils aimeraient bien faire une petite navigation afin de profiter du caractère exceptionnel d’une frégate de 12 du XVIIIème siècle au moins une fois dans leur vie.
Nous communiquons aussi sur l’aspect technique de leur métier et nous nous intéressons aux méthodes employées par ces charpentiers pour reconstruire ce puzzle géant, un vrai métier que d’effectuer des tailles et façonnages de pièces de bois aussi complexes les unes que les autres et de les voir s’emboiter comme par magie au demi-millimètre près.
Nous n’hésitons pas à prêter main forte si besoin pour les manutentions et vis et versa. Un esprit de solidarité règne sur ce chantier exceptionnel.
Peux-tu nous décrire ce que vous faîtes en ce moment sur le chantier et les étapes à venir ?
En ce moment, nous sommes sur la réfection de la coque, « poncer, gratter, peinder » afin qu’elle retrouve ses belles couleurs pour la belle saison. Il y a aussi le tableau arrière, le pont et les apparaux de pont ayant déjà été faits ces neuf derniers mois, les chaînes de haubans sont aussi révisées et repeintes une par une. Une fois les peintures terminées, nous allons pouvoir nous concentrer sur l’intérieur pour les réaménagements des « tiers » (dortoirs), de la cuisine, de toute la cale en fait ! Et il y a du boulot ! Et bien sûr la logistique de la repose du gréement entièrement révisé en 2022.
Cela fait maintenant plus de deux ans que L’Hermione est en cale sèche et l’on parle d’une prochaine navigation en 2025. Ce bateau, c’est beaucoup de persévérance ?
Cette frégate n’est que passion. Elle nous permet de rêver de voyage quand on est à la peindre, d’apprendre à la manier avec amour et fierté en même temps. Transmettre ses valeurs là est la clé pour les équipages à venir, donc oui, il y a une certaine persévérance et l’envie qu’elle reprenne la mer pour qu’elle soit dans son élément afin de former hommes et femmes à ce joli métier de matelot-gabier-manœuvrier.
Pour finir, peux-tu nous citer un de tes meilleurs souvenir à bord de L’Hermione ?
La Nature libre avec la rencontre des baleines à bosse au Cap Code aux Etats-Unis.
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