Samedi 9 mai
Mais à quoi les gabiers occupent-ils leur temps ? Voilà aujourd’hui un début de réponse avec la première partie de notre journée de tribordais. Olivier a accepté de porter une caméra sur lui pendant presque 24h et de filmer quelques moments de ses quarts et de sa vie quotidienne sur le pont de L’Hermione. Nous commençons avec un quart de nuit dans les alizés, donc plutôt calme.
Pour les tribordais, en charge du « zérak » (le 0 à 4 h, de minuit à 4h du matin et de midi à 16h), la journée débute par un réveil à 23h30 et un « fika » (« collation » en suédois, devenu terme officiel du bord pour les goûters et autres en-cas avalés plus ou moins toutes les 2h à bord) accompagné d’un café. Puis c’est rendez-vous sur la dunette pour la relève de quart, le muster (prononcez « meusteur »). De jour comme de nuit, 2 des 3 tiers se retrouvent toutes les 4h autour du grand caillebotis pour écouter les différentes informations concernant la navigation et les travaux à effectuer. C’est l’officier en charge du quart précédent qui communique à cette occasion. A minuit, c’est donc Anne-Laure, Lieutenant Canonnier, affiliée aux bâbordais, qui se charge de cette transmission d’informations. Le muster se termine par un « bon quart à vous » collectif du tiers sortant au tiers prenant le relai. Selon l’activité des heures précédentes, il est devenu traditionnel sur L’Hermione de mettre en chanson ou en chorégraphie ce rituel (nous y reviendrons lors d’un futur carnet de bord), mais vous en aurez ici deux bons exemples…
Depuis notre départ des Canaries, l’essentiel du travail de nuit consiste à l’affinage des réglages de voiles par rapport au vent afin d’optimiser au maximum notre vitesse. En clair, cela consiste à brasser plus ou moins en pointe les vergues (orienter plus ou moins dans l’axe du bateau). Les quarts ne sont donc pas surchargés… Olivier en a cependant profité pour remplacer le rondier afin de nous offrir un petit tour des cales et du faux-pont de L’Hermione en pleine nuit. Habituellement, le rondier est l’un des 4 volontaires qui effectue la rotation sur 4 postes clés de la navigation : barreur 1, barreur 2, rondier et veilleur. Chacun effectue 1h à chaque poste, le barreur 2 passant barreur 1, le barreur 1 passant rondier, le rondier devenant veilleur et le veilleur devenant barreur 2. Dans le but de vous montrer chacun de ces rôles, Olivier a également effectué une relève de veille sur le mat de beaupré et un moment de barre dans la seconde partie de la vidéo, à venir dans les prochains jours.
Si vous trouvez que cette vidéo est sombre, ne cherchez pas à régler votre écran. Il n’y a en effet aucune lumière sur le pont lors des quarts de nuit et on ne peut donc compter que sur notre adaptation à la lumière ambiante, plus rapide et efficace qu’on ne le pense. Cela à deux conséquences.
Tout d’abord, il est nécessaire pour les gabiers de connaître l’emplacement de chacune des manœuvres et des points de tournage, ce pourquoi ils révisent continuellement en testant les matières, la résistance et en observant où partent les cordages dans le gréement, afin de reconnaître cargues, drisses, balancines, écoutes, amures, bras et contre-bras…
Ensuite, on peut observer depuis le pont de la frégate les plus beaux ciels étoilés de nos vies. De ceux qui s’emplissent encore et toujours plus d’étoiles, à mesure que nos pupilles se font à l’obscurité. De ceux qui nous font rire devant une telle beauté, surtout lorsqu’on s’aperçoit qu’aux lumières du ciel répondent les palpitations vertes du plancton bioluminescent. De ceux qui nous rappellent combien nous sommes tout petits dans cet univers tout en nous donnant l’impression, l’espace d’un instant, d’en être le centre. Le spectacle offert par une nuit étoilée sans lune depuis le pont de L’Hermione est sans pareil. Et malheureusement, absolument impossible à transmettre en image…
Puis vient 4h du matin. Et le retour à la « niche » pour les gabiers tribordais, soulagés de laisser aux volontaires de milieu la charge du pont. Tribord ne ressortira de ses bannettes et hamacs que vers 10h30 / 11h pour le repas de midi, avant d’attaquer un nouveau quart… dans la seconde partie de notre vidéo.
Pour le reste, la navigation suit son cours tranquillement. Aujourd’hui, les tiers se sont attaqués au calfatage et attendent une journée de repos ce dimanche. Le bosco a en effet annoncé que, en dehors des tâches obligatoires (barre, veille, ronde, réglages de voiles en cas de changement du vent…) et d’un peu de ménage, le dimanche serait une journée « off » à bord, afin de marquer le passage des semaines et de rompre la monotonie de la traversée.
L’occasion de vous montrer comment se déroulent les quarts de jour et, les occupations des volontaires lorsqu’ils ont quelques heures de repos entre leurs quarts, les repas dans la batterie, signalés par le son de la grande cloche (seule propriétaire d’une corde à bord, tous les autres sont des cordages !) et le sommeil dans le faux-pont.
Une nouvelle fois, Olivier a fait une petite entorse au rythme traditionnel afin de vous montrer la relève de poste à la barre ainsi qu’à la veille, mais également de participer aux manœuvres et aux travaux dans la mâture dont un spectaculaire concernant la poulie de la drisse du petit perroquet.
Comme dit précédemment, en temps normal les 2 barreurs, le rondier et le veilleur tournent toutes les heures entre ces 4 postes durant leur quart. L’utilisation du suif est un élément qui peut également surprendre. Il s’agit en réalité du meilleur moyen de se débarrasser du goudron dont les cordages sont imbibés et que l’on a inévitablement sur le corps après un travail dans le gréement. La musique est également omniprésente sur le pont, puisque des volontaires sont en repos à tout moment de la journée.