240 ans de la bataille de Yorktown
Seconde partie de notre article sur la Chirurgie Marine du temps de L’Hermione en 1780 !
Découvrez à quel endroit se déroulaient les actes de chirurgie à bord de L’Hermione.
La « salle d’opération » et l’ambiance
A bord de L’Hermione de 1780, le poste du chirurgien est situé à tribord dans l’entrepont, autrement appelé faux-pont. L’entrepont se situe entre le pont de batterie et ses nombreux canons et la cale du navire. C’est ici, dans le faux-pont que dort l’équipage.
Le chirurgien peut être logé dans la Sainte-Barbe, au côté de l’aumônier. Cet espace, localisé à l’arrière du faux-pont contient notamment les gargousses de poudre à canon et les armes. Attention aux étincelles !
A ses côtés , le chirurgien dispose de ses instruments dont il est responsable sur sa solde. Il possède également ses coffres à médicaments* placés sous la responsabilité de l’apothicaire.
*Les médicaments sont des drogues simples extraites de végétaux. Sont également embarqués d’autres produits tels que des sels, du miel, des sirops, des huiles, des baumes et onguents. Le seul anesthésique à l’époque est l’alcool qui permet d’oublier la douleur. Les instruments sont composés de bistouris, scalpels, ciseaux, différentes aiguilles, tire-balles, trépans…
L’infirmerie
L’infirmerie est située au centre du navire, dans un lieu appelé « le théâtre ». Les malades et blessés sont installés sur des cadres, entourés de toiles fixées sur des crochets. Des compartiments sont aménagés de chaque côté pour y installer les coffres à médicaments, boissons, remèdes et instruments.
Les cadres sont rapprochés les uns des autres pour gagner le maximum de place possible. Ils sont montés selon les besoins.
Les conditions de travail
En 1780, les conditions sanitaires à bord des navires de guerre sont assez dramatiques. Les mouvements de la mer, le vacarme, le faible éclairage auxquels s’ajoute le choc des boulets contre la coque lors des combats rendent délicats les gestes de chirurgie.
Au milieu du vacarme ou au cours d’un long voyage, le rôle du chirurgien est indispensable. C’est le seul à bord qui a les compétences et les connaissances pour soigner un blessé ou un malade même s’il est parfois difficile d’établir un diagnostic car les symptômes des maladies peuvent se superposer.
Il est impératif de pouvoir opérer à tout moment, dans l’urgence des combats notamment. Le diagnostic est rapide. Il faut pouvoir opérer vite et aller à l’essentiel. Panser, inciser, extraire des projectiles. Beaucoup de blessés meurent de complications quelques jours après leurs opérations (hémorragies ou infections) en raison de l’absence de désinfectant et du manque d’hygiène à bord*.
*En cas de décès, les morts étaient traditionnellement jetés à la mer dans des sacs lestés pour éviter les risques de nuisance et de putréfaction.
A bord, les accidents sont nombreux liés généralement aux combats mais aussi conséquence des manœuvres. Près de la moitié des blessures que subissent les matelots touchent les mains et les doigts, liés aux éclats de bois et mitraille en batterie et sur le pont de gaillards.
Un aide-chirurgien témoigne dans un manuel signé Pierre-Marie Duvigner, (consultable dans la bibliothèque de l’École de Médecine Navale de Rochefort), de cette réalité et donne une idée de l’ambiance qui pouvait régner dans ces infirmeries… :
« Des bouts de bras et de jambes coupés sont aux pieds du fauteuil et de la table en bois où les chirurgiens, à demi-nus et couverts de sang, opèrent sans discontinuer au milieu des cris et des gémissements. Les blessés sont maintenus par des sangles ou immobilisés par des aides qui ont ouvert aux ciseaux les vestes ou les pantalons imbibés de sang. On leur a fait boire deux verres de rhum. Des blessés s’évanouissent dès la première incision, meurent de choc pendant l’amputation ou à la fin quand on cautérise leur moignon au fer rouge ou en le plongeant dans la poix bouillante. Par manque de charpie ou de linge de pansement on doit souvent récupérer des pansements souillés sur un mort pour panser un opéré… ».
Nicolas Verneau – Service Médiation de l’Association Hermione – La Fayette
Chirurgie Marine, première partie.
Pour aller plus loin, voici quelques sources utiles :
- Chirurgien sur la Circé, Gaston Blandin, Ouest Éditions, 1996
- Histoire de l’École de chirurgie de Rochefort (1722 – 1836), Revue d’histoire des sciences Vol 13, A. Le Bozec, 1960 (Voir aussi : Yannick Romieux, même sujet)
- Adrien Fabré, chirurgien navigant de L’Hermione, Xavier Garcia, Écrits d’Ouest N°16, 2008
- Les chirurgiens navigants sur les navires du roi
- Film Master and Commander de Peter Weir, inspiré du romancier britannique Patrick O’Brian
Visuels : Julien Danielo La chirurgie marine / Scenistorics, 2021