Dimanche 13 novembre. Il est 9 h 30 lorsque la chaloupe quitte le port des Minimes de La Rochelle. Les conditions sont clémentes, tandis que la météo annonce 15 nœuds de vent au phare des Baleines et une houle de 1 à 2 m, le vent réel s’apparente davantage à du 8 nœuds : ça nous plaît déjà mieux. Le clapot du pertuis est court, notre équipage mettra le temps nécessaire pour s’amariner. Le soleil présent adoucira ces premières sensations marines.
Christophe, bénévole de l’association et ancien moniteur de voile est le patron de la chaloupe et assure la remontée vers Rochefort. Les bras du bateau, ce sont les bénévoles et les gabiers, une dizaine de matelots en tout, et en avant la chaloupe1 ! Prêt à intervenir au moindre pépin, le zodiac de sécurité escorte tranquillement notre épopée dans les eaux couleur jaunâtres du pertuis charentais.
Toutes voiles dehors dès la première heure
L’embarcation de 10 m est de type voile aviron, elle se manœuvre donc à la voile comme à la rame. Le moteur nous permet quant à lui de quitter le port sans emboucaner nos voisins de pontons, et de finir notre remontée de la Charente en toute tranquillité. Le gréement est constitué d’un bout dehors, d’un mât de misaine, d’un grand mât et d’un mât de tape-cul. Nous choisissons d’établir le foc, la misaine, la grand voile et abandonnons l’idée d’un tape-cul2. Bien loin d’être ballotée par le clapot court et fréquent de la zone de navigation, la chaloupe semble profiter du courant et des vagues pour se laisser glisser vers l’embouchure du fleuve qui l’attend au loin.
À bord, l’équipage savoure les premières sensations sur l’eau. Du côté des gabiers, Adèle en plein master s’accorde une pause Hermione pour le weekend, Christophe notre aventurier biker se plaît aux sensations marines loin de sa yourte pyrénéenne, Ewen s’est échappé de la métropole parisienne pour respirer les embruns quelques jours tandis que Nico et Antoine, gabier-guides sur le chantier, ont revêtu leurs plus beaux cirés pour naviguer. Christophe et Jean-Pierre, les doyens du bord en profitent pour transmettre quelques notions pratiques : gréer le canot, barrer, repérer le balisage maritime et le comprendre, faire son relèvement sur une carte. Marie-Yvonne ne reste pas en reste et manifeste magnifiquement son esprit d’équipage par la distribution d’un merveilleux gâteau maison à bord. Autant vous dire qu’on est plutôt bien.
Impossible de faire route directe, les vents contraignent l’équipage à des virements lof pour lof 3. C’est l’occasion de s’entraîner un brin : un peu de vitesse, puis le virement s’amorce à la barre, le foc passe à contre doucement entrainant tranquillement la suite du bateau et hop on choque et on reprend de l’autre bord, à la misaine puis à la grand voile. Des conditions idéales pour la prise en main du bateau. À chaque embarcation son fonctionnement, il est plaisant de se faire la main sur celle-ci, moins exigeante que l’Hermione.
Ce type d’embarcation basse est un régal pour les navigations comme celle ci. Au plus près de la lame, l’équipage est seul sur le plan d’eau et se ravit des paysages côtiers avoisinants. D’abord le phare du bout du monde puis un peu plus loin Fort Boyard, l’île d’Aix et ses côtes arborées, le fort Enet bien trop souvent oublié. Enfin Fouras, annonçant du haut de son fort Vauban l’entrée imminente de l’embouchure du fleuve.
Arrivée dans la Charente, bonjour la dame de nage
L’arrivée dans la Charente nous pousse à abandonner la voilure, l’occasion de s’essayer sur le deuxième moyen de propulsion : la rame. Bon la rame c’est un peu différent, on ne manque pas d’entrain mais plutôt de technique. Au bout de 5 minutes on comprend les ordres,
et … on tente de les appliquer en s’appuyant sur la cadence d’Antoine. Le gabier, s’applique, son visage affiche une grande concentration. Nous, ce n’est pas vraiment le cas. On se trompe de sens, de rythme, d’ordre, on se moque du voisin. C’est drôle mais pour arriver avant la marée descendante, la rame n’est visiblement pas la solution et nos bras commencent déjà à chauffer.
On finira cette belle journée sur le ronronnement du moteur, un salut ému à l’Hermione nichée dans sa forme qui nous répond par trois coups de corne de brume. Nous accostons en douceur au le ponton de la Corderie à 15H30, parfaitement amarinés !
1 La chaloupe se chargeait autrefois du transport des marchandises et des passagers et servait aussi à mouiller les ancres de la frégate.
2 Tape-cul : voile établie sur le mât de tape-cul, situé à l’arrière du bateau. Cette voile permet d’équilibrer le bateau et a un rôle de manoeuvrabilité du bateau davantage que de propulsion.
3 Virement lof pour lof : consiste à changer l’amure du bateau en passant par le vent arrière. Le virement vent debout devant consiste lui à changer d’amure lorsque le bateau est vent devant.