Revenir à Rochefort avant de finir de restaurer le navire, un projet réaliste ?
Préambule : rappel de l’état des lieux du navire à date
La coque de la frégate est en cours de restauration, avec de nombreuses pièces déposées qui ne lui permettent pas d’assurer une rigidité structurelle en mer, d’être mise en eau, de se déplacer et de rester à flot. En effet, la restauration de la carlingue n’est pas terminée et la boulonnerie axiale est déposée (donc le navire n’a pas les pièces qui assurent sa rigidité structurelle) ; de plus la coque de la frégate est en partie débordée donc elle ne peut pas flotter à l’heure actuelle. Par ailleurs L’Hermione ne peut pas se déplacer (les mâts et les moteurs sont déposés), et son lest, qui lui permet de ne pas chavirer, est lui aussi déposé.
Prérequis à un rapatriement de L’Hermione à Rochefort
Quelle que soit la solution qui serait envisagée pour rapatrier L’Hermione à Rochefort autrement que dans des conditions normales de navigation, celle-ci devrait être validée par une compagnie d’assurance prête à en couvrir les risques.
Quelle que soit la solution qui serait trouvée pour ramener L’Hermione à Rochefort autrement que dans des conditions normales de navigation, il faudrait savoir où l’installer à son arrivée. Rappelons que la forme Napoléon 3 n’est pas en capacité d’accueillir un bateau à sec.
Hervé Blanché, maire de Rochefort, le réaffirmait lors du Conseil communautaire du 27 mars 2025. Il faudrait au préalable mener des travaux de mise en conformité de la forme de radoub. Un chantier de restauration de la forme Napoléon 3 devrait donc être engagé, dans le respect du cahier des charges des Monuments historiques.

Rapatrier L’Hermione en l’état par la terre : un défi technique réaliste ?
Envisager de voir L’Hermione revenir à Rochefort par la terre, c’est d’abord la gruter hors de la forme de radoub du port de Bayonne. Mais pour soulever le navire sans le casser, il faut le tenir en plusieurs points de traction1, ce qui implique que la grue devra disposer d’une hauteur sous crochet très importante, tout en étant capable de soulever les 800 tonnes du navire. Hors même les barges dont la charge utile maximale atteint 3000 tonnes en pied de grue n’ont pas la hauteur sous crochet ni la capacité de levage suffisantes pour soulever le navire, situé à 100 m du bord de la barge2.
Si ce premier problème était résolu, il faudrait ensuite trouver un moyen de transport routier capable de supporter les 800 tonnes de L’Hermione, ses 50 m de long et ses 12 m de large, sur des routes suffisamment larges. A l’heure actuel, le plus gros bâtiment transporté par la route est le sous-marin allemand U-173, qui pèse 350 tonnes et mesure 50 m de long, mais seulement 4.6 m de large. Il a été transporté sur moins de 40 km (Rochefort – Bayonne, c’est environ 350 km).
Face à ces deux problématiques d’ampleur, l’association considère qu’un rapatriement de la frégate par la terre n’est pas une solution réaliste. De manière générale, le transport terrestre est une solution peu usitée pour le transport d’objets lourds, on leur préfère la voie maritime.
Mieux comprendre les contraintes techniques liées à l’implantation du chantier
Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de venir voir le chantier de restauration de L’Hermione, regardez cette vidéo : grâce aux vues drones, vous pourrez mieux vous rendre compte de la configuration dans laquelle se trouve le navire.
Rapatrier L’Hermione par la mer sans finir la restauration de la coque : un défi technique réaliste ?
Ramener L’Hermione à Rochefort par la mer telle qu’elle est aujourd’hui nécessiterait, comme pour un transport terrestre, de la gruter pour pouvoir la charger sur une barge. Les grues flottantes capables d’assumer ce type de charge sont rares, coûtent très cher4 et ne pourraient pas remonter la Charente (tirant d’eau trop important de la grue flottante vs profondeur de la Charente). Le grutage de la frégate à l’issue de son convoyage maritime vers Rochefort serait impossible. Il n’est donc techniquement pas envisageable de rapatrier L’Hermione à Rochefort en l’état : la frégate devra être en capacité de flotter, avec une coque 100 % restaurée.
Il pourrait être envisagé de rapatrier L’Hermione à Rochefort par la mer dès que la restauration de sa coque sera terminée, sans remise à poste de ses mâts, de son gréement et de ses voiles (économie potentielle de 258 k€ sur le coût des travaux à mener au port de Bayonne). Le navire devrait alors réaliser cette navigation au moteur, nécessitant la validation de ce transit spécifique par le Bureau Veritas et les affaires maritimes, avec une étude certifiante dédiée. Les mâts, les plateformes de hune, le gréement, les voiles devraient être rapatriés à Rochefort par la route5. Outre le coût engendré par leur rapatriement routier, dont la faisabilité technique est à étudier, l’installation d’espaces de travail à Rochefort générerait aussi un coût supplémentaire.
En conclusion
Ces éléments d’analyse nécessiteraient des études techniques spécifiques poussées pour valider la faisabilité de l’une ou l’autre de ces propositions, qui permettraient d’en faire une estimation financière fiable. Il faudrait donc des moyens financiers dédiés pour mener ces études, au-delà du coût de ces opérations qui s’ajouteraient aux coûts de la restauration du navire.
Face à ce constat, l’Association préfère mobiliser son énergie et ses moyens pour que L’Hermione soit restaurée le plus rapidement possible au port de Bayonne, qu’elle revienne à Rochefort dans des conditions normales de navigation, et qu’elle puisse être accueillie dans la forme de radoub Napoléon 3 de Rochefort sans que les collectivités ne doivent y engager un chantier de restauration.
1 Exemple concret du quotidien : si on essaye de soulever un pack de bouteilles d’eau en le tenant par un morceau de l’emballage plastique, celui-ci risque de se déchirer. Alors qu’en le soulevant par la poignée, la charge est répartie.
2 Plus le point de levage est éloigné d’une grue, plus sa capacité de levage diminue fortement (on soulève difficilement un sac de 10 kg quand on le tient à bout de bras, alors qu’on y arrive sans problème le bras le long du corps).
3 https ://jdlgroupe.com/2024/08/19/convoi-un-sous-marin-de-350-tonnes-sur-la-route/
4 Par exemple, Asian Hercules 3 coûterait entre 45k et 120k € / jour, soit pour une opération de 10 jours un coût 800k€ à 2.3M€ (comprenant l’assistance côtière, les études techniques préalables, les taxes et permis, marges imprévus).
5 Le grand mât mesure 56m de long, le gréement et les voiles représentent respectivement un volume de 50 et de 20 palettes.






