Samedi 25 avril : De la voile !
Nouvelle journée à bord de L’Hermione et nouvelles déconvenues en terme de navigation. Le vent refuse toujours de nous porter jusqu’aux Canaries. Nous avons pourtant tenté d’établir l’ensemble de la voilure dans la matinée pour un bel après-midi de voile, conclut vers 18h par un virement lof pour lof.
Mais à peine avions nous viré que le vent changeait et nous obligeait à faire route au Nord-Ouest. Un second virement, en début de soirée, nous permettait cependant de reprendre une route Sud et vers 22h samedi soir, les 10-11 nœuds de vent nous permettaient d’avancer à plus de 5 nœuds. Nous continuons à viser les côtes marocaines afin de nous trouver en bonne position pour la bascule du vent, tandis que la dépression se met en place là où elle est censée se trouver. Si tout se passe comme prévu, nous ne devrions plus rallumer nos moteurs jusqu’à l’arrivée et nous devrions filer au grand largue tribord amure à partir de demain après-midi. Alors que nous descendons vers Las Palmas, nous apprécions également le vent de plus en plus tiède et le soleil de plus en plus chaud.
L’autre nouvelle du bord est la promotion de Léo, adjoint milieu, au rang de chef de tiers milieu. C’est l’un des gabiers matelots, Mircea, qui le remplace comme adjoint. Un changement d’organisation effectué pour anticiper le départ d’Emil lors de l’escale aux Canaries. Notre imposant Suédois a en effet eu une opportunité pour racheter un atelier de charpente en Suède et a donc décidé de jeter l’ancre de façon plus permanente. Il se retrouve désormais presque gabier comme les autres pour ses derniers jours à bord, assurant une passation de pouvoirs en douceur. L’adjoint de Stéphane à tribord, John, devrait également prendre le rôle de chef de tiers durant certaines périodes du voyage, tandis qu’un autre gabier marin de longue date, Vincent, assurera le remplacement de Mircea à partir de Philadelphie.
Comme d’habitude, les manœuvres des voiles étaient entrecoupées par des travaux en tout genre, entre parties de cartes et activités de menuiserie. L’occasion pour nous d’apprendre auprès de Samir, le maître charpentier du bord. Personnage haut en couleur, souriant et avenant, Sam a longtemps travaillé sur des chantiers avant de s’intéresser à la charpente de marine, il y a une dizaine d’année. L’Hermione n’est pas sa première expérience sur vieux gréement, il a notamment travaillé à bord du Belem. « Mais la frégate est une autre paire de manches » dit-il.
Ici, tout est en bois et il s’agit d’un bateau neuf. Il y a donc des ajustages à faire sur un navire qui se met en place, travaille et bouge à mesure que nous naviguons. L’aménagement est encore à terminer, d’autant que nous prenons petit à petit conscience des éléments qui pourraient nous faciliter la vie quotidienne. L’avantage ici, c’est qu’avec une cinquantaine de volontaires à bord, notre charpentier ne manque pas de main d’oeuvre. Bien sûr, certains sont parfaitement rompus au maniement de la scie, des rabots et autres perceuses. Mais pour d’autres, il s’agit d’un véritable apprentissage. « Le bois, c’est dur pour l’égo » résume parfaitement Aurore alors qu’elle s’attaque à la fabrication de porte-gobelets qui permettront aux gabiers de conserver un café à portée de main lors des longs quarts de barre sans risquer de les renverser sur le compas. « Ca permet de prendre conscience à quel point n’importe quel objet en bois est le résultat d’un travail de dingue », précise Aurore. « Du coup même quand on regarde un simple banc à la bonne hauteur, régulier, où toutes les pièces s’emboîtent parfaitement, on réalise la maîtrise qu’il a fallu, précise-t-elle, et en même temps, quand on termine de faire quelque chose nous même, c’est tellement bon pour l’égo. » Et c’est vrai que la satisfaction de réaliser quelque chose soit même est un plaisir que L’Hermione nous permet de ressentir régulièrement.
Et la présence de nos trois Maîtres (d’équipage, voilière et charpentier) est un atout évident pour l’aspect formateur de cette navigation. Voyager sur un tel navire permet de réaliser que nos dix doigts sont capables de bien plus que nous ne l’imaginions.