Mercredi 15 octobre :
On l’attendait, il a fini par arriver. Le vent a fraîchi dans la nuit de mardi à mercredi et les choses sérieuses ont commencé avant le lever du jour.
Encore émerveillés d’avoir vu des dauphins jouer avec le bateau au milieu de planctons bioluminescents, les volontaires et l’équipage ont eu à affronter des vents soufflant à 25 nœuds biens établis et une houle de 2 à 2,5 mètres.
Un grain qui a mis à mal bon nombre d’estomacs, clouant au lit quelques uns des gabiers (« au début, on pense qu’on va mourir. Ensuite, on regrette que ce ne soit pas le cas… ») et rendant vaseux une vingtaine de personnes à bord environ. Mais il en faut plus pour ébranler le moral des « gabiers de l’extrême » de L’Hermione. Si les ris étaient pris dans les huniers, la grand voile était simplement carguée (levée) mais pas rabantée (serrée autour de la vergue). Il a donc fallu grimper dans des conditions difficiles et tirer sur une voile de 272 m2, pesant près de 1 kg au m2, gonflée par 25 nœuds de vent et mouillée…
Dans ces conditions, le simple fait de faire un pli pour le ramener sur la vergue est extrêmement compliqué. Outre le tiers bâbord de service, quelques volontaires supplémentaires, Samir, le maître charpentier, ou Anne, la voilière, sont venu prêter main forte dans la mature. Au total, l’opération nécessitera près d’une heure et demi d’efforts !
Le plus frappant dans ces moments est le visage des volontaires : secoués, trempés, en suspension à 25 m de la mer, épuisés par les efforts, tous ont le sourire. Et cet esprit est contagieux. Il suffit de grimper et de participer à la manoeuvre pour se sentir part de quelque chose de fort et d’unique. De retour sur le pont à la sortie des haubans, le mal de mer est oublié quelques instants : « c’était génial ou c’était génial ? » me demande une volontaire hilare, alors même que son estomac l’avait trahi quelques minutes plus tôt sur la vergue… Quand on lui demande s’il faut être fou pour être gabier, Arthur éclate de rire et répond « bah, il faut aimer les sensations fortes… ». Monter et travailler à ces hauteurs est presque une drogue. Et lorsqu’on y prend goût, difficile de s’imaginer ailleurs qu’à 30 m du sol, à contempler la mer.
Le grain est ensuite passé dans l’après-midi et le soleil est revenu. L’occasion pour beaucoup de se détendre un peu, de se remettre des émotions de la nuit et de la matinée en profitant des températures exceptionnellement douces pour un mois d’octobre. Mais si le vent a molli, la houle est restée bien établie jusque tard. Une combinaison difficile à supporter pour beaucoup, le bateau étant (logiquement) rouleur dans ces conditions.