Mardi 14 octobre :
Sortie de Bordeaux, un signe pour la Jeanne d’Arc croisée quelques miles après notre arrivée en mer, puis le rythme de vie qui sera celui de tous les marins de L’Hermione lors de ses navigations s’installe.
Première nuit en mer, premiers quarts de nuit, premières montées dans la mâture de nuit pour beaucoup des volontaires embarqués samedi à Bordeaux. Moments magiques pour certains, angoissants pour d’autres. Se sortir du sommeil au milieu de la nuit, découvrir le bateau toilé, filant aux environs de 5 nœuds, moteurs enfin coupés. Les premiers quarts ont eu le droit à une nuit noire, où la lune n’a daignée se montrer qu’au bout de quelques heures. Les suivants profitent des étoiles et d’une belle lune, installés sur les vergues de petit et grand perroquets pour s’acclimater aux mouvements décuplés par l’altitude
Puis le travail commence : les deux barreurs, le rondier et le veilleur se relaieront toutes les heures, d’autres grimpent dans la mâture pour s’occuper des voiles, d’autres profitent d’un moment plus calme pour un cours de navigation sur frégate dans la batterie. Sur les ponts, le bruit de la mer est rythmé par les craquements du bois et les ordres : « 2 à gauche » du côté de la barre, « Paré pour brasser la misaine » entre le gaillard d’avant, la gaillard d’arrière et les mâts. A l’intérieur, les craquements du bois masquent tout, sauf le ronronnement continu des générateurs. Les chef de tiers font faire des exercices à leurs gabiers, qui s’entrainent notamment à sortir le « MOB », l’annexe à moteur de L’Hermione utilisée pour les procédures d’homme à la mer (« Man Over Board »). On en profite également pour donner quelques cours, sur les voiles ou la réglementation maritime.
Le sommeil n’est pas un problème pour certains, déjà amarinés. D’autres commencent à sentir les effets du mouvement continu. Mais pour l’instant la houle est légère, le vent ne dépasse pas les 15 nœuds et les conditions idéales.
Elles le sont encore plus après un réveil accompagné par un magnifique lever de soleil. Le bateau file bien et rapidement, il fait un temps parfait pour les grandes manœuvres. Toutes voiles dehors, on s’entraine à effectuer un virement de bord « lof pour lof », en laissant le vent derrière nous lors du changement d’amure (la direction d’où vient le vent par rapport au bateau : tribord amure ou bâbord amure). Il faut donc « brasser » toutes les vergues tout en reprenant sur les écoutes et amures afin de modifier l’angle des voiles. Un travail qui mobilise une grande partie de l’équipage. Les autres profitent de la météo clémente, se reposent, lisent, discutent ou dessinent… Tous les nouveaux prennent petit à petit leurs repères et découvrent le bonheur de filer à 6 nœuds à la voile (par 12 nœuds de vent!) sur ce bateau exceptionnel.
Ce soir, on prend des ris pour se préparer à affronter une météo plus difficile. On verra ce que nous réserve le golf de Gascogne pour les prochaines heures. Mais la gite commence à réellement s’installer. Le début des choses sérieuses ?